Il était une fois...
Moulins et meuniers
En 1809, on dénombre en Gironde : 985 moulins à eau et 816 moulins à vent.
Les moulins à vent ou à eau ont étonnamment fait partie intégrante du paysage du Pays de Buch, territoire pourtant peu céréalier.
Jean CAVIGNAC en a dressé le panorama à la fin du XVIIIe siècle à partir des cartes (BELLEYME, CASSINI) et des premiers recensements (1792, 1809). Le pouvoir central était soucieux de sécuriser les approvisionnements, le pain occupant une place centrale dans l’alimentation. En Pays de Buch, une agriculture de subsistance avec une faible production céréalière était compensée par l’importation de grains de Bretagne. Comme dans l’ensemble du pays, après une apogée au début du XIXe siècle, leur déclin s’amorce après 1850 et s’accélère à la fin du siècle, faute de grain à moudre et concurrencés par les minoteries industrielles.
Il ne subsiste que peu de chose de ce passé. Seul fonctionne encore à Salles le moulin à eau de DUBERN, transformé en minoterie en 1930.
A La Teste-de-Buch, le moulin de Bordes se dresse encore en bordure des prés salés, restauré par Michel DOUSSY, au début des années 1960 : « Je l’ai sauvé de la ruine mais je ne l’ai pas rétabli dans ses fonctions… » Ces « machines vivantes » (Claude RIVALS) ont toutefois laissé des traces dans les archives et suscité la curiosité des historiens.
Les moulins, marqueurs du territoire
Claude RIVALS observe que les moulins à vent sont des marqueurs du paysage et servent d’amers sur notre littoral.
Gilbert SORE en dresse un panorama à l’aube du XIXe siècle dans son ouvrage Entre Dune et Bassin : « Au Nord du pays, du port à La Hume, sur la digue des prés salés, toute une ligne de moulins à vent montraient encore leur tour ronde et les moignons de leurs ailes qui ne tournaient plus : de l’Ouest à l’Est, c’étaient le moulin du PRE, à l’alignement de la digue Est, le moulin du PUJOOU, sur la butte du même nom, le moulin de DUTRUCH [propriété de Louis DUTRUCH ou Moulin Neuf] et celui de BORDES ou d’ARGILAS dont la tour vient d’être réparée par M. DOUSSY. Sur tous les espaces battus des vents, d’autres s’érigèrent au fil des temps.
Une carte du temps de Louis XVI, fin du XVIIIe siècle, montre au Sud, à la hauteur du Caplande, de part et d’autre du carrefour, à l’ouest, le moulin de CHASSIN, à l’Est le moulin du BROC [et autre moulin de la Place ou du Caplande]. Vers le Sud-Est, au lieu-dit SECARY, c’était le moulin de FLEURY. Il y eut même, sur le cours de Craste Douce, un moulin à eau, celui de LA MOLE [moulin de Braouet] dont je me souviens d’avoir vu les ruines. »
Ne manquent à l’appel que le moulin de Castéra à Cazaux et le moulin de Binard ou Petit Moulin.
Le Moulin du Pré (des Prés), appelé aussi moulin de Tahart/Tahard, se situait au début de la rue du Port, en bordure de la craste d’Arriet. Il faut l’imaginer comme sur la carte de CHARLEVOIX DE VILLERS, dans son environnement rural, avant que le quartier ne soit métamorphosé par l’ouverture de la ligne de chemin de fer en 1841 et le creusement du premier chenal du port à l’initiative de Clément SOULIÉ. Il apparaît déjà, sans nom, sur la carte de MASSE (1708).
Selon Robert AUFAN, en 1785, il appartient pour partie à Nicolas TAFFARD, pour partie aux CAUPOS-VERTHAMON, avant d’être adjugé à la Révolution comme bien national.
En 1822, il est en copropriété entre LOUBET, Veuve EYMERIC et FLEURY fils ainé. En 1849 il est détenu en indivision par Dame veuve TAFFARD (1/2) et Marie DAYAU, née TAMBOURIN (1/4), et son fils Martin DAYAU fils (1/4), meuniers : un des rares cas où le meunier est en partie propriétaire.
Il apparait dans les lithographies de Léo DROUYN, jumelé avec le moulin du Pujeau, situé sur une élévation de terrain (Pujou en gascon). Michel JACQUES le rattache à un texte de Gustave LABAT : « Un vieux moulin, situé entre la voie de chemin de fer et les importants réservoirs à poissons de la compagnie des Pêcheries de l’Océan (Harry JOHNSTON) complètement démantelé… porte surmonté d’un écusson « De Baleste m’a fait bâtir l’année 1713 ». »
Au lieu-dit Sécary figurent deux moulins, l’un à vent, l’autre à eau.
Par la baillette du 24 juin 1771, le captal concède un moulin à vent à Jean FLEURY dit SÉCARY (Césaire, Sécariot). Propriétaire en 1822, le bien passe à son gendre Michel BISSERIÉ (1849). Il est mentionné comme démoli en 1859,mais les archives municipales ont trouvé un courrier d’un meunier proposant ses services à M. BISSERIÉ, alors maire, en juin 1863 : « J’ai entendu parler que vous êtes propriétaire d’un moulin à eau et d’un moulin à vent… »
Le moulin à eau de Sécary est édifié en 1771 par Jean FLEURY. Mentionné comme démoli (1850) dans le cadastre, comme « ancien moulin » sur la carte du Conseil général (1875), Il n’en reste aujourd’hui que quelques vestiges de la voûte maçonnée.
Le moulin de Braouet (« petit marais ») était situé à l’ouest du lieu-dit La Séoube, sur craste Douce ; avant la création de la voie directe, un chemin y conduisait directement. Construit par TAFFARD DE LA RUADE (1816-1832), propriété de François Honoré PEYJEHAN en 1849 puis déclaré démoli en 1883, il ne figure plus sur la propriété de SALLES DE HYS au début du XXe siècle. On le retrouve sous diverses appellations : Moulinot (carte CASSINI), ou moulin de la Mole sous la plume de Gilbert SORE.
Le moulin de Villemarie
Une tentative de production de riz dans la plaine de Cazaux s’était accompagnée au milieu du XIXe siècle de la construction d’un moulin à riz. Détruite par un incendie en 1843 puis reconstruite, cette féculerie est par la suite utilisée pour la mouture des céréales. Ce « moulin des landes », entre le canal et la route de Sanguinet, est détruit par un nouvel incendie en 1894.
Son propriétaire Emile LEBERT utilise alors la force hydraulique de la chute de Villemarie pour fournir de l’électricité à la ville (contrat passé en 1901 mais dénoncé dès 1902 par le nouveau maire, Pierre DIGNAC).
Les meuniers, une corporation à part
Jean CAVIGNAC réalise une étude sur les 27 propriétaires des moulins du Pays de Buch. « On trouve 8 marchands et négociants, 7 nobles, 6 gens de loi (notaires et praticiens), 3 meuniers, 3 laboureurs, un officiel des fermes. Très peu de meuniers sont donc propriétaires d’un moulin. »
Avec leur savoir-faire et leur façon de vivre, ils constituent une véritable corporation, se marient entre eux, constituant de véritables dynasties. De plus, ces meuniers peuvent passer de moulin en moulin.
Souvent, les baux à ferme concernent moulin à vent et moulin à eau, de quoi maintenir une activité lors des étiages estivaux. D’autre part, font partie du bail la maison d’habitation du meunier et de sa famille, mais aussi des terres, prés, vignes, qui contribuent à la viabilité de l’ensemble. L’épouse est souvent cultivatrice, comme on l’a vu pour le moulin du Pré.